Back to the church [PV Alkador]

Son ombre s’était d’abord glissé.
Et il sourit se souvenant que certains pensaient que les monstres de son espèce n’en avaient pas.
Puis ce fut autour de son cadavre, glissé dans son manteau, comme s’il n’allait jamais en sortir.
Elle regardait autour, semblant craindre le lieu. Mais ses yeux brillaient de cette témérité propre aux chasseurs, ces hommes chargé du maintien de l’équilibre entre le mal et ceux qui font semblant d’appartenir au bien.
Le monstre sourit et ses dents scintillèrent à la lueur d’une lumière absente.
Il s’assit sur le banc, silencieux comme son ombre et immobile comme une statue, attendant qu’elle dirige son regard vers lui pour scruter ses réactions.
Il sentait les petites vibrations de son cœur, se répandant dans ses veines, venant troubler le silence de l’Eglise Et il attendait, avec la patience de l’éternité, que les artères de son coup prennent le rythme rapide de la danse de la peur.
Elle a du sentir l’horripilation de son cadavre avant même de se tourner car il souffla dans ses cheveux, parfumant les airs d’une odeur de chaire pourrie, chaire brûlée, encore vivante.

Chloë sentit un souffle contre sa nuque puis une odeur répugnante, elle n'était plus seule et il ne s'agissait pas de Leen, elle se releva à toute vitesse se retournant vers l'intru. C'est alors qu'elle vit ce jeune homme plus que mystérieux. Il était arrivé aussi rapidement et discrètement que le vent. Aucun doute possible, il s'agissait d'un vampire. Elle voulu sortir son arme mais préféra attendre, telle était une de ses plus grandes différence avec les autres chasseurs. Elle préférait parler avant de cogner. Elle le dévisagea de bas en haut puis plongea son regard dans les yeux du vampire. Bizarrement elle sentait qu'il était de ses congénaires. Mais pourquoi?

Ce n'est pas très poli de faire peur aux jeunes filles.

Il inclina sa tète, et fonça les sourcils, comme contrarié.
Puis un léger rire horrifia l’air sait de l’Eglise.
A quoi bon les paroles fausses et inutiles, à quoi bon se dévisager alors qu’il n’y a qu’une chose qui compte ? Pour lui, ses batailles et ses blessures, pour elle un monstre en moins.
Mais ni l’un ni l’autre ne semblait avoir ses désirs apaisés.
Le monstre ne débarrassera pas la terre de son existence infectieuse.
Et la chasseuse n’allait pas attaquer.
Le monstre inspirant inutilement, juste pour torturer l’air en l’introduisant dans les cachots de ses poumons.
Il n’y avait plus de combats comme dans ses temps de gloire. On préférait de nos jours étudier les éventuels ennemis par la parole et non sur le terrain.
Mais il n’y avait rien à apprendre sur lui. C’était un monstre, un chien, qui n’allait pas parler dans cette église en face d’une chasseuse, et qui attendait de recevoir le premier coup, avoir la première blessure béante pour laver les sols poussiéreux de son sang.
Il demeurait alors comme une statue antique, avec une expression qui n’aura jamais besoin de paroles pour se faire comprendre. Seulement, peut être, de grondements de chien malade.
Le vampire attendait que la chasseuse ouvre sa bataille ou alors qu’elle justifie par quelques arguments sa position passive devant un monstre tel que lui.

Face au silence du vampire, Chloë comprit qu'il n'avait pas l'intention de discuter. Une lueur maléfique traversa le regard de cette créature provoquant un frisson dans le dos de la chasseuse. Soudain elle repensa à Dean qui lui avait parlé d'un certain Alkador, un nosferatu. Chloë avait le sentiment qu'elle l'avait en face d'elle, il n'avait ni l'attitude ni la présence d'un vampire ordinaire. La peur qu'il provoquait en elle était différente, elle était si intense et profonde. Elle le regarda alors droit dans les yeux.

Alkador?

Il fut parcourut, tout d’abord, par un étrange semblant d’étonnement à entendre le nom qu’on lui donnait depuis quelques siècles déjà, dans une autre bouche que celle de Lythès.
Il hésita à regarder plus qu’il ne l’avait déjà fait. Mais cela lui était inutile, l’odeur qu’elle émanait lui était inconnue. Et même si dans un passé lointain il l’avait croisé, sa mémoire n’aurait certainement pas retrouvé sa clarté par l’action du Sain Esprit de cette église.
Le monstre se releva, dans toute la splendeur de sa silhouette inhumaine et de son corps brillant d’une pourriture unique.
Il rigola, comme s’il avait entendu une mauvaise plaisanterie.
- Moi aussi.
Bien sur, il avait encore cette conscience et cette capacité à distinguer le drôle du grotesque, mais il avait prix l’habitude de rire pour un rien et c’est pourquoi il continua son délire dans un rire étouffé qui ressemblait à un gloussement incontrôlable. Cela avait quelque chose de dégoûtant car les échos dans cette église rendaient les rires plus vivant que le monstre.
Evidemment, car il était mort.
Il fit quelque pas vers elle puis s’arrêta, dans un coin d’ombre plus prononcé que les autres.
- Une chose en commun…Espérons donc, surtout pour vous, que ce soit la seule.
Tout en susurrant ces paroles le monstre révéla ses crocs miroitants et brillant de leur propre lumière où se reflétaient encore quelques regards égarés de quelques victimes anciennes.

Tout est relatif, a dit un jour un scientifique dont le monstre avait bien entendu oublié le nom.
Vivez 600 ans dans la pourriture et le sang, les meurtres et les cris alors la pourriture deviendra l’odeur de votre mère si tout de fois ce mot a encore un sens pour vous. Le sang deviendra votre breuvage, les meurtres remplaceront vos balades dans le parc si tout de fois elles avaient existées et les cris deviendront pour vous la plus douce musique.
Mais si vous vivez dans un nid chaux et que vous êtes fruit d’amour et non d’agression, si vous avez mené une vie plus tranquille et que vous avez la certitude qu’elle finira un jour, l’odeur de pourriture vous sera horrible, vous ne songerez même pas à goûter du sang…

Alors on se rend compte que le décalage d’age n’a jamais été favorable.

Le monstre avait foncé les sourcils et fit un hoquet de rire étouffé.
- Certainement, certainement…
Il avait sifflé les mots à travers les épines qui lui servaient de dents. Ces paroles même piquaient les oreilles.
- C’est vrai qu’un cadavre en décomposition n’a jamais une odeur attrayante pour de simples mortels. Mais on s’y habitue…Quand on Doit…Allez vous rester ici et vous habituer ou allez vous sortire et laisser un pauvre monstre prier pour son Salut ?
Il sortit un petit livre abîmé et enleva quelques salissures sur celui ci avec sa main gantée.
- Si vous restez, je prierai pour le vôtre aussi. Alors, quelle est la réponse ?

Le monstre susurra quelques insultes anciennes sur un air de musique mortuaire avant d’attraper le banc où le tas de chaire vivante s’était assit.
Le banc vola et alla se briser contre des vitraux déjà en ruines.
La femelle n’avait pas fait un aussi glorieux parcours et elle était à quelques pas du monstre qui s’avança, ses bouts de chaussures brillantes de sang touchant une parcelle de son corps.
Il lui lança le petit livre à la figure, et on n’aurait jamais cru qu’un livre dont les feuilles amortissent les vols, pouvait avait un impact aussi violent sur un visage.
- Choisis !
C’était un petit livre taché de sang, dont les caractères noirs ressortaient à peine pour nous dire que c’était un livre de prières. Elles étaient tantôt en latin, tantôt en araméen et des fois se glissaient quelques vers de Baudelaire écrits à la main.
Le monstre voulait, de ce désir de bête que personne ne pourra hélas expliquer, que la quantité de sang enveloppé dans une carapace rose qui avait offusqué son « o si rand ego » choisisse une prière pour sa mort.
Evidemment, son ego n’était pas blessé, ni même ébranlé. Il faisait semblant d’être vexé, avec ce mauvais art théâtral qui donnait à ses lèvres des tremblements d’envie de rire.
- Choisie, toi qui es une saine et propre bouffe pour chiens sales.
Et on voyait déjà les reflets du meurtre à venir dans ses dents. Et ses yeux étaient plissés d’un bonheur étrange formant des ridules effrayantes aux coins de ses yeux.
Si elle n’allait pas indiquer la prière de ses désirs, le monstre choisira pour elle.
Alors pour marquer son impatience, le monstre aboya en claquant sa mâchoire et cassant quelques-uns unes de ses propres dents.
- Choisis!

Chloë n'eut pas le temps de comprendre, elle était déjà à terre et poussa un léger gémissement de douleur lorsque son bras, déjà bien amoché toucha le sol. Puis elle vit un livre venir s'écraser sur son visage. Elle avait senti une légère douleur mais elle avait déjà reçu de pire coups que celui là. Elle le regarda avec mépris et attrapa ce fameux livre. Un livre de prière? Que cherchait il en lui demandant de choisir une prière? Elle sursauta légèrement en entendant les dents d'Alkador se briser puis elle ouvrit le livre et le feuilleta rapidement.

Oh non... y'a pas ma préférée. Il faudrait que vous achetiez la nouvelle édition parce que là il manque un paquet.

Dit elle d'un ton détaché en faisant mine d'être embéttée par le fait que sa prière préférée ne figurait pas dans le livre.

Il eut un sourire narquois avant de s’accroupire devant ce qu’il croyait être son futur repas. Il repris le petit livre d’un geste négligé et puis regarda la femelle avec un semblant de dédain.
- Mes connaissances sont limitées, veuillez m’en excuser…. Vous allez devoir vous passer de prière…de toute manière cela ne sert à rien. Mais vous autres ne le savez pas encore…
Et il partit dans un délire de paroles incompréhensibles, mêlant toutes les langues et tous les sons.
Tout en se relevant, il marcha sur la main de la femelle et des os hurlèrent. Le monstre laissa quelques secondes la semelle de sa chaussure aplatir les doits de celle ci, puis l’attrapant par les cheveux commençant à marcher lentement vers l’autel.
- Je vais m’offrir l’eucharistie. Pour purifier mon corps…
Et il ricana légèrement, tout en traînant le corps de celle qui allait devenir un sacrifice pour les Dieux si elle n’allait pas s’échapper par quelques ruses.

Le vampire lui jeta un regard dédaigneux. Il lui prix le poignard des mains, le scruta avec un regard interloqué. Puis sortant l’horrible et la démesuré chose qui lui servait de langue de son museau, il lécha le poignard, ricanant. On aurait dit un bambin avec sa sucette.
Il ignorait si bien la peine que cela lui causait, il en avait ressentit d’autres, mais celle là était bien particulière.
- J’ai mal…Mais…
Il regarda la petite chasseuse, jeta le poignard à ses pieds et sourit de toutes ses dents.
- Mais j’ai toujours mal, cela ne fait qu’intensifier un peu…Et j’ai toujours faim, et toi tu ne fais qu’intensifier mon désir…
Il baissa la tète observant sa plaie, imaginant celles de sa future nourriture. Il tendit sa main gantée vers elle, avec un sourire en coin bestial qui se mariait si bien avec le reste de son expression qui ne pouvait être autre chose que monstrueuse.
- Voulez vous danser avant de mourir…il n’y a pas de musique, mais si vous ne pouvez pas danser sans musique, je vous ferais crier ou briser quelques os pour remplacer cela…ou alors je chanterais. Mais ça, c’est dans un cas extrême…
Il contracta les doits de sa main tendue attendant qu’elle y dépose la sienne.
- Alors ?

Chloë regarda la chose avec mépris. Elle se doutait que ce poignard ne lui ferait rien mais elle ne savait pas que ça l'exciterait encore plus. Elle regarda la main d'Alkador, ne sachant plus trop quoi faire. Si elle la refusait il risquerait de lui briser les os et ça elle n'en avait pas vraiment envie. Et si elle acceptait, qui sait ce qu'il lui ferait.

C'est gentil de vouloir préserver mes oreilles mais je ne danse pas avec les inconnu.

dit elle avec sur le ton d'une petite fille sage.

Le monstre se sentit blessé, puis il rigola. Il se sentit mal, un peu plus que d’habitude peut être, puis il songea aux lacunes des gens de ces jours.
Il n’y a personne qui sache danser. Ils se débattent, livrent leurs corps à des mouvements semblables aux convulsions de la peste, mais ils ne savent pas danser avec des mouvements qui rendrait grâce à tout monstre, et qui le ferait ressembler à un homme pur.
Sa main tendue vers celle qui manifesta son refus d’une manière banale et lassante retira ses doits crispés. Il aurait baillé s’il avait été capable de flirter avec Morphée.
Sa main lui paraissait lourde, sûrement de l’indignation qu’il venait de subir. Alors jugeant qu’elle ne mériterait pas même ses crocs, ni même les brûlures de son regard, il se retourna avec cette logique de monstre qui n’a pas de pareil.
Ses cheveux paraissaient parcourus d’une brise inexistante. Ils bougeaient de leur propre volonté et exécutaient la danse de la mort. Alors on aurait pu deviner qu’il n’avait jamais dansé qu’avec ses cheveux, que sa main tendue vers cette chasseuse était sortie de son envie et non de son impulsion.
S’il n’avait pas eu 600 ans on aurait pu dire qu’il commençait à vieillir et s’attendrir.
Il sortit dehors, commençant à chanter un vieil opéra latin.
C’était une belle nuit pour disparaître.
Jamais personne ne pourrait imaginer la solitude d’un monstre, les maux perpétuels de son ventre, les voix perfides dans sa tète, sa schizophrénie permanente, ses désirs interdis… Et tout cela se mélange et broie sans scrupules son cadavre, tout cela qui l’étripe, le fait vomire, l’écœure. Mais c’est une punition divine devant la quelle on doit être fataliste pour ne pas devenir insensé.
Ce monstre là, avait refusé depuis le début, continue à le renier cette punition. Et c’est pour cela qu’il chante et tend ses mains vers des chasseurs pour mieux les étriper par la suite, qu’il tue les enfants de son créancier et son juge.
Mais devant cette chasseuse, dans cette maison de Dieu abandonné comme un nouveau-né hors la loi, il sentit une part de son cadavre accepter cette damnation.
Honteux de lui-même, il s’était presque enfuit devant la femelle à l’orgueil téméraire. Il devenait le chien que l’on bat sans raison et qui se sent fautif.
Cette malédiction était son mérite. Peut être que s’il admettait ses péchés il serait accepté par la mort. Mais ce monstre là a bien trop d’orgueil pour s’agenouiller devant une croix où gît un crucifié au regard d’amour et de pitié.

Dehors il ne sentit pas la froideur de l’air. Il en était encore à pense au refus de cette chasseuse. Elle ne sait pas danser, personne dans cette ville de ne semble savoir danser. Il lui aurait peut être apprit, mais elle semblait bien trop prudente et fière pour toucher un monstre de son plein gré.

Chloë suivit Alkador à l'extérieur gardant une distance raisonnable. Elle le regardait avec mépris se demandant pourquoi il chantait cette chanson. Tout son être ne semblait être que folie. Aucun de ses actes n'avaient de sens, rien n'avait de logique. Il avait même fuit devant elle. Elle avait devant elle un vampire très différent des autres. Un vampire ordinaire se serait jeté sur elle les crocs sortis mais Alkador semblait plus profond que cela. Ce n'était pas un animal sans esprit, bien au contraire.

Vous abandonnez drolement vite. On ne vous a jamais dit qu'il faut se battre pour avoir une femme.

Bien sûr elle savait très bien qu'Alkador ne voulait que la tuer et qu'il ne lui avait pas proposé de danser pour la séduire. Mais ce petit jeu l'amusait. Et elle était tellement intriguée par le vampire qu'elle ne pouvait pas le laisser partir comme ça.

Alkador sourit comme sourient les sorcières dans les contes de fée. Avec de la perfidie, supposant un acte terrible à tout moment, mais dont on sait l’inefficacité sur les héros.

Elle pensait qu’il n’était pas un animal sans esprit, qu’il était différent de tout le bétail qu’elle avait tué jusqu’ici.
Il n’aurait jamais cru trouver de telles choses dans la tète d’une chasseuse…Il en fut presque étonné, et s’arrêta devant ce qui semblait des mots de provocation. Tournant sa tète jute assez pour lui lancer un regard de dédain dont, les feux jadis incandescents, semblaient s’éteindre.
On aurait dit qu’ils allaient mourir une seconde fois, ces papillons de braise, qui comme les fleurs desséchées exposées au vent, voyaient leurs pétales et leurs ailes se détacher lentement, dans une douleur accablante.
Les mots qu’elle prononça se fracassaient comme des lames contre les parois de son crane tentant de sortire, main en vain…
Ce monstre là commençait à défaillire. Sa force restait là même, immense et inutile, mais sa logique se transformait en folie à chaque mot de provocation, et son intelligence en délire…
- On me l’a déjà dit, je crois. Il y a longtemps. Mais je ne me suis battu que pour la mienne…je crois…et elle est morte…sûrement. Certainement. Alors je ne vois pas pourquoi je devrais me battre pour vous…et contre qui ? …Et pour quoi faire…Je crois, je ne suis pas sure, mais je doute qu’elle ait survécue. Même que, il me semble que c’est moi qui l’ai tué…

Il se tourna complètement verre la chasseuse, et des images de meurtre traversèrent les yeux du monstre. Désormais, avec sa folie croissante, sa mémoire qui se réveillait lentement depuis l’arrivé de Lythès, la bête était certaine qu’il avait tué une femme, un de ses premiers meurtres certainement…
Peut être que c’est la cause de sa vampirisation, ou alors c’est elle son assassin, ou alors elle n’a jamais existé…
Il avait atteint l’apogée de sa folie. Le monstre se figea et deux goûtes de sang se frayèrent un chemin à travers ses yeux.
A cet instant il avait tout pour rejoindre la mort. Car sa mémoire lui rappela son premier pécher, son orgueil s’atténua car il se rappela toutes ses humiliations. Il n’y avait plus de raison d’être fier, plus de raison de rester sur ce mode captif entre Enfer et Ciel.
Reculant d’un pas, fixant cette fille qui lui rendit la mémoire, il se mit à courir, boitant et trébuchant comme une bête dont les pieds étaient brisés.