... No inspiration...

[Kane Kane Haydé Haydé]


Haydé ouvrit ses yeux, dégourdissant ses paupières alors que tout un monde de douleur s’acharnait sur son corps.
Ses lèvres froides étaient sèches comme l’écorce d’un arbre et toute odeur lui semblait aigre et grasse. Il y avait comme un petit air de famille dans cet endroit qu’il ne voyait qu’à travers le brouillard. Air familier mais inconnu.
Il remua les bouts et sentit sa conscience défaillire. Dans une apesanteur trop confortable pour oser bouger, il referma ses paupières brumeuses sans espérer retomber dans l’inconscient. Il avait cette sensation que seule les prisonniers libérés ont, de se sentire détaché de son corps. Se sentire encore jeune et naïf alors qu’il a traversé des siècles.
Haydé voulut soupirer avec distinction à cette pensé qui lui semblait douloureusement vraie. Mais évaluant l’inutilité et l’inconfort que cela provoquerait, il se contenta de mordiller ses lèvres sèches qui avait un petit goût de fer, des petits bouts de sang sec.

Kane ne semblait pas être là. C’était étrange de me sentire en plein pouvoir de mon corps, je me levai et mes vertèbres hurlèrent comme un violon mal accordé. Je voyais toujours floue et la raison me l’était encore plus. Je me bougeais le visage, presque devenue de la cire tiède. Mes bras nus dont la peau était encore recouverte de sang. Plus aucune douleur ne s’acharnait sur moi. Il n’y avait que le doute et une peur bénigne.
Je réalisais enfin qu’il y avait mes poignets attachés dans le dos à quelque chose. J’avais beau cligner des yeux comme un papillon affolé dans un piège, je n’y voyais que du feu.
Je me mis à genoux, cherchant avec mes dents la chaîne de mon emprisonnement, traînant ma langue tout au long du métal qui devait certainement être du métal. Froid, il avait le même goût que le sang.
Le fer grinça entre mes dents et au bout de quelques minutes à maudire mes crocs et à me meurtrire la langue, je fus silencieusement délivré.
Je me rappelais très biens de tumultes de la veille et je ne comprenais pas comment d’une rue boueuse j’ai pu atterrir ici, où le sol était poussiéreux et chaud sous mes pieds et l’air sucré et aigre emplissait mes pensés de doutes.
M’orientant comme l’aveugle en touchant les murs. Ils étaient doux et toujours cette impression de poussière et d’ancien. Plutôt d’abandonné. J’étais arrivé à un point plus sombre, la porte certainement et je m’élançais pour sortire, heurtant quelque chose de mou et de doux. Tombant dans un cri de fille et un gémissement de vampire, j’avais mes de chaque coté d’une tète… mes doigts écrasant des cheveux épais et chaud.
Je me relevais brusquement, reculant, ne voyant rien, c’était devenu encore pire qu’avant. Il n’y avait que du blanc, des formes vagues et du tremblement.
Mes pieds tapèrent dans du bois et je sentit mon corps défaillire et tomber comme un cadavre.
Je suis un cadavre. Et je n’y voyais plus rien, le regard en fixant ce qui devait être le plafond, je sentis pour la première fois mon manque de Kane. C’était peut être à cause de son manque de manifestation que je ne voyais rien.
Je clignais plusieurs fois, en vain, murmurant enfin avec une voix craintive et étranglée…

- Pardon…

Ca commençait bien… Non seulement il s’était détaché alors qu’elle avait passé au moins une bonne heure à vérifier qu’il ne pourrait pas se libérer, même en se servant de toute sa force vampirique… en plus, il venait de lui foncer dessus.
Elle avait deux solutions, soit se mettre à hurler comme une échappée d’asile parce qu’elle avait dans sa maison un vampire tueur, et psychopathe aussi sur les bords, mais ça ne servirait pas à grand-chose vu que sa maison était assez isolée. Elle pouvait donc oublier l’option des gentils voisins attentifs qui débarqueraient en l’entendant crier à tue-tête.
Et elle avait aussi l’option de ne pas paniquer, puisque, aussi débile qu’elle l’était parfois, elle l’avait bien amené ici de son plein gré, et qu’elle aurait dû se douter que ça risquait d’être un peu trop… risqué.
Kane semblait vraiment paumé, et n’avait pas l’air de comprendre ce qu’il se passait. En même temps, si elle se mettait à sa place… Non, mauvaise idée, elle ne pouvait pas se mettre à sa place, et n’avait pas la moindre idée de ce qu’il lui passait par la tête à ce moment là.
Il était imprévisible, et ça le rendait encore plus dangereux. Les sens aux aguets et prête à bondir au moindre faux pas, Kay le fixa attentivement, comme si elle essayait de déchiffrer l’expression du vampire. Sans succès. Il n’y avait sans doute personne qui pourrait le comprendre vraiment, et elle n’échappait pas à la règle, malgré l’effort qu’elle faisait…
Il avait reculé, et ne semblait pas vouloir l’attaquer, mais elle resta sur ses gardes, ne le lâchant pas du regard. Elle regretta juste de ne pas être un peu plus habillée, parce que franchement, c’était un peu bizarre de se retrouver en si peu de vêtements assez légers devant un vampire de son genre, mais elle avait essayé de dormir, il était aux alentours de quatre heures quand même… et surtout, elle ne pensait pas qu’elle allait tomber sur Kane. Ou plutôt, qu’il allait tomber sur elle… Bref.
Après un très long moment de silence, elle croisa nonchalamment les bras sur sa poitrine, l’air indifférente.

« Tu n’étais pas vraiment censé sortir de la pièce où je t’ai attaché » prit-elle enfin la parole après s’être raclé la gorge. « Mais bon, puisque t’es là… tu veux peut-être que je te prépare un chocolat chaud, j’ai une insomnie » rajouta-t-il avec un petit haussement d’épaules et un sourire sarcastique aux lèvres. « On ira papoter dans la cuisine, et je te raconterai à quel point j’ai eu la flippe en te voyant débouler dans ce couloir… »

Mais qu'est ce qu'elle était en train de faire, bon sang ?! Elle n'agissait pas comme une chasseuse entraînée et experimentée, non, elle se comportait comme la dernière des idiotes...
Pourtant, ça ne servirait à rien de l'attaquer, dans l'état où elle était... non pas qu'elle était trop fatiguée, elle avait l'habitude de se sentir lessivée après chaque soirée passée dehors. Mais elle n'était pas en position de force, on va dire.
Elle se voyait mal faire des enchaînements de karaté dans ce couloir un peu trop étroit pour un petit combat, et habillée comme ça en plus... Ca risquait d'être comique et pathétique à la fois. Mais bon, il ne faisait rien pour le moment, et elle veillait à ce que ça continue comme ça.
Si jamais il allait se montrer un peu trop agressif, elle improviserait. Pour le moment, elle évitait de se prendre trop la tête, et se montrait la plus détendue possible. Tâche difficile, lorsque vous avez devant un suceur de sang qui réussissait à faire peur à un maître d'arts martiaux qui connaissait le monde surnaturel comme sa poche... Il y avait de quoi s'inquiéter.

[Kane Kane Haydé Haydé]

Je sentais mes yeux se mouiller et une douleur douce y flottait. Ils ne voyaient rien et pourtant, après m’être levé, je détournai le regard.
Elle était encore plus insensée que Kane, ou alors bien plus forte que lui.
Mais sa voix fragile trahissait sa puissance humaine et son odeur de caramel m’envoyait en émois et en peurs. Kane ne semblait ni remuer, ni exister mais il était bien là. Où aurait-il pu aller ?…

Mes yeux s’ouvrirent et je frémis. Et s’il était parti ? S’il m’avait laissé sans rien me dire, dans ce monde où les seules paroles que j’ai échangé étaient pour lui, tous les grognements et les larmes versés lui étaient destiné. Mon être entier, mon cœur inanimé, mes yeux et mes lèvres lui étaient dévoués. Je n’étais rien sans lui. Un pantin dont les fils s’étaient déchirés dans un excès de désir de liberté. Je me sentis plus seul que dans les instants de douleur, plus tourmenté que lors des heures de torture, plus éperdu que lorsque je sentais mon corps se remplire de sang étranger.
Ma lèvre trembla et je retins avec mal les mille sanglots épais et pointu qui me transperçait la bouche. Ce n’était rien de plus qu’un goût acide et horrible dans ma gorge qui me maintenait debout. Je ne voyais plus rien, mais à quoi bon ? Jusqu’ici je voyais pour Kane, j’étais son regard et lui mon corps, j’étais son orientation, ma seule utilité. Et je me trouvais ici, sans vu et n’étant plus qu’une épave.
Je ne voulais pas de ce sol chaud et doux, je ne voulais pas que cette fille me parle comme si j’étais quelque chose de vivant. Qu’est ce que le chocolat chaud peut bien faire à un vampire ? Certainement Kane était le seul lien à son père et elle s’y accrochait comme une araignée à sa toile.
Je me tournais dos à elle et mon visage devenait un large delta formé par les fleuves salés de mes yeux. Kane, était tout ce que j’avais. Cet être ignoble et horrible était ma seule raison de voir et de soupirer. Le maître de mon cœur, l’esprit de mes pensés.
Je voulais lui dire de s’en aller. De me laisser comme il l’a fait, mais mes mots convulsaient dans ma langue et elle devenait dure comme du roc.
Tout mon être n’était que désespoir. J’avais l’habitude de me lamenter sur mon sors avec des longues jérémiades qui n’en finissaient plus. Mais à cet instant là ce n’était pas de la pitié ou de la lamentation. Un vide profond envahit mes tripes et j’entendais presque l’espoir faire battre mon cœur. Peut-être ce n’est qu’une illusion, qu’une chimère maudite, et Kane était juste là, à attendre que je le laisse prendre le dessus. Si seulement je savais comment, je lui donnerai ma vu et mes pensés…
- Je voudrais…

Il fallait que je parle pour me calmer. Et Kane n’était plus là, alors elle était celle qui allait entendre. Il fallait que je trouve quelque chose à dire, n’importe quoi pour tuer ce silence qui me rendait malade et qui me criait que non, plus jamais je n’entendrais le mauvais rire de Kane et ses douces tortures ne fendront plus jamais mon corps.

- Pourrais-je avoir un peu d’eau ? S’il vous plait.

Je clignais des yeux, toujours dos à elle et je savais bien que ma gorge serrée ne laissera passer aucune goûte de liquide.
Me tournant vers elle, ne voyait toujours qu’une vague forme un peu plus foncé que tout ce qu’il y avait autour je restais de pierre, pensant toujours à lui…
Si c’était bien Kay, celle que Kane avait vu à travers mes yeux et dont il eut peur, alors les chances qu’il ait défaillit était plus fortes que je ne l’aurais voulut.
Mes pupilles tremblaient, cherchant en vain ses yeux à elle.
Et toujours cette odeur de caramel et de doux qui me rendait malade.

De l’eau.
Aussi simple que ça. Elle avait pourtant cru que le ton ironique et le sourire en coin qu’elle avait eu en lui parlant auparavant, avaient été suffisants pour qu’il comprenne qu’elle n’avait aucune intention de lui apporter quoi que ce soit.
La situation était loin d’être habituelle, et le fait qu’il lui demande ça réussit à la déstabiliser pendant quelques secondes, avant qu’elle se reprenne, réprimant un léger ricanement amusé et un peu nerveux, aussi…
Elle était un peu embrouillée, et ne savait plus qui d’entre eux deux étaient en train de se foutre gentiment de la gueule de l’autre. Au début, elle pensait que c’était elle… mais là, elle avait un petit doute.
Haussant lentement les sourcils, l’air de ne pas croire à ce qu’il était en train de se passer, elle esquissa un nouveau sourire, un peu forcé cette fois-ci. C’était insensé, mais à ce moment précis, elle espérait qu’il se mette à glousser de façon diabolique, l’air content de l’avoir fait marcher comme ça.
Mais non, les secondes s’écoulaient, interminables, et il semblait toujours aussi paumé. Osant enfin s’avancer, oubliant pour quelques instants que c’était une créature démoniaque et meurtrière devant elle, Kay essaya de le regarder à son tour dans les yeux. Il ne se foutait définitivement pas de sa gueule, et elle ne reconnaissait même plus celui qui l’avait frappé et traité de tous les noms devant la cathédrale, un peu plus tôt dans la nuit…

« De l’eau ? » répéta-t-elle toujours un peu perplexe quant à la raison et surtout la sincérité de cette demande. « Euh… dans la salle de bains… y a des… robinets… et… de l’eau » finit-elle par ajouter en désignant une porte de l’autre côté du couloir, un peu plus loin.

Elle ne savait pas comment réagir, et c’était bien la première fois qu’elle se retrouvait dans une impasse pareille. Elle s’en sortait à tous les coups, trouvant toujours quelque chose à dire, une blague débile, un moyen de renvoyer la balle…
Mais là, elle était… vraiment paumée des chez les paumés, elle aussi.
Normalement, elle aurait dû essayer de se creuser la tête pour trouver un moyen de l’enfermer quelque part, pour ne pas prendre le risque d’y passer si jamais l’envie le prenait de s’échapper. Ils s’étaient peut-être rencontrés lorsqu’elle était petite, mais elle n’était pas sûre que le souvenir commun soit assez convainquant pour que Kane ne la tue pas en cas d’extrême besoin…
En même temps, il l’aurait fait depuis longtemps, si c’était le cas. Non, c’était trop compliqué pour elle, cette histoire, et elle n’aimait pas se poser trop de questions. Surtout à quatre heures du matin…

[ne chetai esli ti ustafshaya...loal]


J’ai sourit vaguement à ses étonnements. Elle s’attendait certainement à ce que je lui demande du sang et de la chaire…
Son bras tendu m’indiquait une direction approximative dans laquelle je m’élançais avec rapidité pour rentrer dans la salle de bain et y rester le temps que Kane revienne. Il le fallait. Sans lui je ne voyais rien, sans lui je racontais des stupidités sans que personne ne m’arrête. Il ne m’a jamais laissé parlé à quiconque sans une raison précise. Dans ce cas ci, la conversation ne menait à rien et certainement pas au retour de Kane.
Marchant avec empressement je me pris quelques meubles, quelques coins et mon visage ne grimaça pas. Il était trop crispé et agité pour qu’un muscle bouge. Il me fallait quelque chose d’exceptionnel, d’unique et d’effrayant pour me faire changer d’expression. En d’autres termes il me fallait Kane.
Atteignant enfin une porte, je cherchais à l’aveuglette comment l’ouvrire. Et cette fille avait certainement du se rendre comte de ma cécité. Mais déjà j’étais rentré et c’est à peine que je me rendis compte qu’il faisait plus sombre ici que là bas, que l’odeur de caramel et le sol mou avait disparu.
Je cherchais un robinet pour faire couler l’eau car je ne voulais pas qu’elle sache que je mentais à propos de ma soif. Ce n’était pas grande chose, juste un petit mensonge qui n’avait rien d’horrible de la part d’un vampire mais tout de même je me sentais gêné et une envie de lui éclater la gueule fit trembler mes mains qui faisaient tout un vacarme pour trouver ce maudit robinet.
J’avais envie de la frapper et ce sentiment était horrible. Lorsqu’enfin j’avais trouvé la douche je fis couler de l’eau glacée plus par hasard que par choix et je me mis tout habillé, accroupi contre un mur.
Cette envie de violence ne s’était pas manifestée auparavant. Ces derniers temps je changeais bien vite. Mon agressivité augmentait comme le niveau de l’eau par terre en ce moment…
Les vitres de la douche n’étaient pas fermées.
Je déglutis avec dégoût alors que ma peau devenait encore plus glacé que d’habitude. Il n’y avait que Kane qui savait comment la réchauffer, comment dominer ma violence.
J’avais froid et c’était une bien étrange sensation. Je me disais tout en maintenant la tète entre mes mains que le plus dangereux de nous deux c’était moi et que tout ce temps c’était Kane qui rendait service à cette humanité en me contrôlant.
Humain, voilà ce que je ne fus jamais et je ne le regrette pas. Sentire un cœur qui bat et qui vous gène en permanence, être dépendant à l’oxygène et devoir en permanence varier sa nourriture devait être pénible et ennuyant…
…Toutes ces pensés n’y faisaient rien. J’avais envie de l’étriper cette Kay, de la maudire elle et son père qui avaient apporté le malheur dans ma vie heureuse avec Kane. Pourquoi devaient-ils exister ? Pourquoi ne nous laissent-ils pas tranquilles ?
Je parle de « nous »… de « nous »… mais y a t il bien un « nous » ou alors je suis seul ici à me lamenter sous un flot d’eau froide qui tombait comme des flèches sur ma peau.
C’était de sa faute si Kane est parti. C’est Kay qui l’a fait fuir. Il ne l’aime pas. C’est pour ça qu’il m’a quitté, parce que mon corps est trop près d’elle. Il faut que je m’en aille ou que je l’étripe…
Non, non. Je ne peux pas, je ne suis pas un assassin. Je ne suis qu’un… vampire.
Et si Kane ne revenait jamais ? Il fait que j’agisse. Que je cesse de rester ici à me liquéfier.

La porte s’ouvrit et c’est en vain que je relevais mon regard. Je n’y voyais rien et c’était peut être mieux ainsi. Pourquoi venait-elle, pourquoi elle ne nous laisse pas tranquille ? Kay est pire que nous deux. Elle est méchante sans le savoir. Elle est laide à l’intérieur et ce n’est que sa carapace qui lui donne cet air d’innocence…
J’avais envie de hurler et de maudire. Elle m’obsédait complètement.
Il n’y avait qu’elle dans ma tète qui résonnait avec sa voix moqueuse et ses petits airs de vierge. Même le souvenir de Kane se dissipait. Allai-je l’oublier ? … non… non… C’est impossible, j’ai passé des siècles avec lui, on ne peut pas s’oublier si facilement…
Kay. Cependant il n’y avait que Kay dans ma tète et ce nom résonnait comme la peste dans la bouche d’un médecin. Rien de plus effrayant et plus passionnant. J’avais envie de l’étriper, de peindre les murs avec son sang. Mais l’idée de la toucher m’effrayer encore plus. Elle a laissé partire Kane, c’était de sa faute. Alors si elle allait me frôler, il ne voudrait plus jamais revenir.
Non, non. Il était parti parce qu’il a cru ne plus jamais le voir. Il l’aime donc plus que moi ? Je te hais, je te hais Kane. Pourquoi tu l’aime plus que moi ? Il est certainement en elle.
Il faut que je le trouve. Il faut que je le trouve en elle. Il faut que je la tue et que je cherche Kane parmi ses tripes. Non… non. Kane est un esprit. Il faut que je touche l’esprit de Kay pour trouver celui de Kane et ensuite je trouverais quelqu’un qui le liera définitivement à moi. Il ne pourra plus jamais, jamais, jamais repartire. Kane est à moi.
Kay est une voleuse. Il faut. Il le faut.
Il faut que je touche son esprit.

Elle le regarda s’éloigner dans la salle de bains sans bouger, et une fois qu’il referma la porte après être entré à l’intérieur, elle continua de fixer le bois clair pendant de longs instants, comme déconnectée de tout ce qui l’entourait. Elle avait quitté le Temple où elle avait grandi, pour traverser le monde entier et venir dans cette ville perdue de l’Ohio, et tout ça pour le tuer.
Elle devait l’éliminer, parce que la ville courait un grand danger s’il restait en vie. En tout cas, c’était ce que lui avait dit Hiroshi avant de mourir. Mais quel danger cette foutue ville pouvait-elle courir à cause de ce vampire qui avait l’air si… sans défense et impuissant maintenant. Alors qu’il aurait pu la tuer depuis longtemps, car Dieu sait qu’il en est capable.
Mais Hiroshi ne lui aurait jamais balancé ce genre d’infos juste pour dire quelque chose, pas vrai ? D’accord, il avait été snob et bizarre sur les bords, mais il n’aurait jamais dit quelque chose du genre sans le penser vraiment, et sans avoir de preuves concrètes. Alors où étaient-elles, bon sang ?!
Baissant les yeux, Kay reporta son regard collé à la porte vers le sol du couloir. Elle essayait de réfléchir, de trouver une explication à tout ce qu’il était en train de se passer. Mais elle avait beau se creuser la tête, elle ne trouvait rien. Elle était en train d’essayer de trouver une réponse en vain, alors qu’elle était consciente que c’était peine perdue d’avance.
Sa seule et unique source d’informations susceptibles de l’aider avait disparu pour de bon en la personne d’Hiroshi, et elle, comme la dernière des abruties, se cassait la tête pour rien dans son couloir, les quatre heures du matin passées, alors qu’un vampire psychopathe qui était la cause de tout ce gentil merdier était dans sa salle de bains.
La jeune fille releva la tête, et écouta attentivement le silence de la maison, percevant parfaitement le bruit de l’eau qui coulait dans la salle de bains. Jugeant qu’il avait été à l’intérieur un peu trop longtemps sans qu’elle sache ce qu’il fabriquait, elle se dirigea vers la porte et la poussa doucement. Qui sait, peut-être qu’il préparait un super plan de la mort qui tue pour… la tuer, logique. Se raclant doucement la gorge, elle se retint à la dernière seconde d’allumer les lumières. Ce n’était peut-être pas la meilleure chose à faire…
Ses yeux s’habituèrent bien vite à l’obscurité qui n’était pas si épaisse que ça, à cause de la lueur pâle de la lune qui s’infiltrait par les fenêtres, dans le couloir, et Kay put enfin le voir, assis contre le mur de la douche. L’eau continuait de couler, et ses vêtements devenaient peu à peu trempés, mais il avait l’air de s’en ficher, et semblait toujours aussi à l’ouest.
Mais c’était quoi son problème ?! Poussant un léger soupir plus frustré contre elle-même que contre lui, Kay s’avança lentement en croisant les bras, ne le lâchant pas de son regard bleu qui était un peu glacial, mais pas assez à son goût… C’est vrai quoi, elle ne devait pas se comporter comme elle le faisait maintenant ! C’était un vampire, qui avait tué énormément d’innocents… et elle était là, les bras croisés, devant lui… comme devant un gosse qui boudait et s’était enfermé dans une pièce, et elle, dans le rôle de celle qui essayait de trouver quelque chose à dire pour qu’il arrête de tirer la tronche…
C’était comiquement pathétique…

« Je paie pour l’eau, t’sais… les factures… fait pas trop couler, je sais que j’ai des apparences trompeuses, mais j’ai pas des millions cachés sous mes vêtements » ricana-t-elle avant de se rendre que sa blague était inévitablement trop naze, vu la façon dont elle était habillée à cet instant précis. C’était clair et net, y avait pas grand-chose de caché.

Voyant qu’il n’était pas décidé à bouger pour éteindre l’eau, et la regardait d’ailleurs bizarrement depuis un bon moment, la jeune fille secoua légèrement la tête, l’air agacée, même si un léger sourire en coin était apparu sur ses lèvres.

« J’avais oublié que le mot économies ne faisait pas partie du vocabulaire d’un vampire… » souffla-t-elle en s’approchant de la douche et en tendant la main vers le robinet pour couper l’eau. Mais au dernier moment, elle se ravisa et ne fit rien, laissant l’eau couler doucement. Après tout… elle n’allait pas être ruinée à cause d’une douche laissée allumée pendant quelques minutes.
Au lieu de reculer, elle resta au même endroit, assez près de lui, et le regarda longuement. Si seulement elle pouvait savoir ce qu'il pensait. Si seulement elle pouvait lire en lui...

[Kane Kane Haydé Haydé]


Sa voix me brûlait sous ce flux d’eau glacé et si elle couperait l’eau je lui couperais le bras. Mon cœur devenait de glace et il semblait ne plus jamais retrouver cette chaleur ressentie lors des douces tortures de Kane.
Son corps s’immobilisa et s’approcha de moi. Kane était en elle, j’en étais sûr. L’envie de la toucher m’horripilait mais le besoin d’amener Kane à moi pouvait me faire subire toute secousse. Alors que mon regard toujours floue ne revenait pas à la normale, je sentais sa tiédeur proche réchauffer ma peau. Ma main se posa à terre avec un mouvement lent, tout comme le mouvement de recul de Kay.
Je tremblais, pas de froid ni de peur, mais d’envie d’elle. Je la voulais entrain de me rendre Kane, je la voulais soumise et gémissante alors qu’à petits bouts j’arrachais Kane à elle. Comme les serpents mes doigts se glissaient vers ses pieds que je n’apercevais pas. Mais sa tiédeur était impossible à éviter, et lorsque ma peau glacée frôla la sienne je sentis mes frissons aller en elle, rien qu’avec ce petits contact.
Tout cela m’envoya aux septième enfer pour retrouver parmi les débris de ma raison un espoir de retrouver ma deuxième moitié. Kay était l’une et bientôt l’unique individu qu quel je songeais. Kane se dissipait dans son image et il n’y avait que son visage trop bien gravé en moi, que sa peau trop douce et sa voix trop aigre qui tournaient dans ma tête formant un cyclone, un volcan.
Ma main se décolla du sol et mon doigt remonta de son pied à son tibia, et le contact était à peine perceptible. Intensifié par la différence de température, nous ressentions trop bien ce petit contact être trop dense.
J’étais ahuri, il n’y avait que sa peau qui comptait. Kane aurait pu aller au Diable qu’à ce moment j’en aurais rien à faire. Une toute petite pensée en moi que disais qu’à travers son corps je le trouverais. Mais cette pensée s’étouffait avec mes sensations glacés.
J’étais fou, Kay l’était encore plus. Ici, avec une chose de mon espèce pourquoi ne partait-elle pas ? Ma main trembla plus que je n’aurais voulut et elle monta à son genou, toujours avec ce contact quasiment inexistant.
Avec toutes ces sensations j’avais l’impression de la voir. Ma paume osa sans que mon cerveau permette, de se coller au dos de son genou. Tirant un peu, l’articulation plia et la raison transperça mes humeurs.
Elle était trop vivante. Elle était bien trop tiède pour que je puisse l’attirer sous cette eau glacée. Et l’envie qui me torturait était encore plus brûlante dans ma main qui n’était pas refroidie.
Je retirais ma paume avec un mouvement plus lent que je ne l’aurais souhaité. Kane, s’il était parti, c’est qu’il le désirait.
Il n’avait pas le droit de m’abandonner, mais ai-je le droit de le reprendre ? Kay. Et pourtant Kay m’obsédait plus que Kane. Et à travers elle j’aurais pu le frôler lui. Voilà ce qui arrivait quand il n’était plus là pour me contrôler. Il n’y avait qu’elle dans ma tète qui résonnait comme une insulte.
Nous ne bougeâmes pas. Elle un peu moins que moi, elle respirait et j’avais l’impression que l’air chaud de ses poumons m’étouffait de chaleur.
Mes mains aspiraient à sa peau et vers le haut de ses genoux. Mes paumes étaient attirés par ses frissons et mes lèvres glacés à sa respiration qui était la même que celle de Kane. Mais moi, mais moi je n’ai jamais pu lui offrire une véritable sensation de respiration. Kane l’aimait plus que moi. Ce perfide avait échangé notre relation séculaire pour une mortelle. Etait-elle si exceptionnelle ? Sa peau douce était meilleure que la mienne, ses lèvres lui convenaient-elles mieux ? Aimait-il plus le bleu de ses yeux ?

Mon regard flou se souvint de ces yeux là et l’envie de l’écarteler contre le mur et de l’étriper empoisonna mon cerveau.
Je me levais et lui fit peur. Me tournant dos à elle j’enlevai ma chemise déchirée qui tomba avec un bruit d’inondation par terre.
- Ferme…

Elle devait fermer les vitres des douches pour ne pas que je j’éclate dessus. Comment pouvais-je ne pas étrangler la fille qui m’avait volé Kane ?
Elle resta interdite, ne comprenant certainement pas. L’idée me vient d’enlever ma ceinture et de lui serrer la taille jusqu’à ce que ses organes sortent par cette bouche que Kane semblait aimer plus. Me tournant vers elle, ne voyant qu’une vague forme je murmurais méchamment de fermer.
Alors qu’elle ne comprenait toujours pas je l’attrapais par le bras, glissais ma main jusqu’à la sienne et la lui posa sur la vitre de la douche.
- Ferme.

Cette agressivité m’étonna plus qu’elle n’étonna Kay. Pourquoi lui cirais-je dessus alors que pouvais très bien fermer cette maudite vitre tout seul.
Clignant des yeux je me rendis compte que j’avais arraché un bout de tissu qui pendait dans ma main. La sienne était toujours sur la vitre je me penchais pour lui glisser le bout de vêtement entre les doigts. Ils étaient plus doux et plus fins que les miens et j’avais envie de les briser.
- Fallait fermer… fallait…

Je murmurais nerveusement alors que ses doigts puissamment collés à la vitre ne me laissaient aucune possibilité d’y glisser quoi que ce soit. Elle était énervée et elle avait raison. Tout comme moi elle était jalouse que Kane ait-pu apprécie un monstre irraisonnable.
- Est ce que tu aime Kane depuis longtemps ?… Il, il ne m’a jamais rien dit.

C’était à peine si j’entendais moi-même cette question qui m’arrachait le cœur, alors que j’avais abandonné l’idée de lui glisser le tissu déchiré entre les doigts.

C’était bien la première fois qu’elle ne trouvait pas la force de réagir, et cela réussit à l’inquiéter l’espace de quelques instants, avant que toute pensée cohérente ne quitte son esprit qui devint aussi désert que le Sahara pour de longues minutes à venir. Elle n’était plus en capacité d’agir, et surtout pas de réfléchir. Depuis toutes ces années, elle avait toujours été les pieds et les poings plutôt que la tête, il était donc évident que maintenant, elle était encore plus perdue et déstabilisée.
Au lieu de lui donner un coup de pied et de l’enfermer, Kay le laissait dans sa maison en totale liberté, et en plus… il était en train de la toucher, et ça, elle ne l’avait encore jamais permis à une créature comme lui. Il fallait qu'une mauvaise allusion d’un vampire en général, pour qu’il brûle en cendres la seconde suivante, car Kay ne faisait pas toujours preuve d’une très grande patience. Surtout lorsqu’il s’agissait de sa fierté, et de sa dignité.
Elle se laissait faire comme paralysée et dans l’incapacité totale de protester.
La main froide qui effleurait à peine sa peau la fit frissonner et elle remercia le ciel d’avoir prit appui contre le mur d’à côté auparavant, sinon elle aurait sûrement défailli et ses jambes auraient cédé sous son poids, car ses genoux commençaient à trembler.
Elle ne comprit rien de ce qu’il lui demandait, et elle n’était définitivement pas en état pour essayer de donner un sens quelconque à sa requête. Elle entendait à peine ce qu’il disait, sa voix semblait trop éloignée et insaisissable. Kay cligna plusieurs fois de ses grands yeux bleus dont le reflet était à présent troublé par une incompréhension qui semblait la retenir prisonnière. Ses pensées, ses gestes… Absolument tout. Elle avait perdu le contrôle sur soi-même, et ne savait plus comment revenir en arrière désormais.
Ne sursautant même pas lorsqu’il lui attrapa le bras, fermement mais sans lui faire mal pour autant, Kay releva son regard vers lui, essayant de reprendre le dessus sur tout un tas de pensées qui venaient soudain d’affluer dans sa tête. L’obligeant à poser sa main contre la vitre de la douche, il continuait de murmurer quelque chose qui échappait toujours à la jeune fille. Gardant sa main appuyée sur la vitre froide sur laquelle l’eau ruisselait abondamment de l’autre côté, Kay posa son regard sur le vampire. Peu à peu, elle commençait à s’en remettre, et tout ce qui était en train de revenir dans sa tête après ce moment de ‘déconnection’, pourrait mettre sérieusement la vie de cette créature en danger.
Il a sûrement déjà dû voir que son regard changeait, et l’innocence et l’incompréhension qui rendaient ses yeux si clairs et enfantins, laissaient places à un bleu plus profond qui trahissait généralement le fait qu’elle n’appréciait pas quelque chose. Puis, alors qu’elle semblait enfin revenir à elle, Kay fut de nouveau chamboulée par sa question qu’il venait de poser.

« Pardon ? » murmura-t-elle en haussant les sourcils. « Tu sais, je commence à trouver ce petit jeu plus qu’agaçant et… pourquoi tu… » elle s’interrompit soudain, alors que quelque chose semblait revenir dans sa mémoire. « Attends une minute… tu es la moitié de Kane… le vampire qui est possédé par son esprit, c’est ça ? C’est pour ça que tu… es si différent. Où est ce qu’il est passé Kane, il a décidé de prendre un congé post-traumatique ? »

Elle n’en revenait pas, que Kane avait décidé de se tirer comme ça, en livrant ce vampire à lui-même. Non pas qu’elle avait de la pitié pour ce genre de créatures, mais ça expliquait beaucoup de choses. Son comportement plus que bizarre, sa façon de parler… Ce n’était pas Kane, elle aurait dû s’en douter dès le début. Puis, alors que le vampire n’avait encore rien ajouté, elle comprit elle-même la raison de ses airs si perdus.
Il ne savait pas comment faire revenir Kane, parce que ce dernier craignait… craignait quoi déjà ? Il ne voulait pas se battre avec Kay et lui faire du mal. Il n’avait pas réussi il y a neuf ans, lorsqu’il était venu au Japon… Et il ne semblait toujours pas décidé maintenant, après tout ce temps passé.
Supporter un vampire traumatisé complètement à l’ouest était encore plus effrayant que de supporter un Kane plutôt cinglé sur les bords, et la jeune fille essaya de réfléchir à la façon dont elle pourrait convaincre l’esprit de se manifester à nouveau. Lui donner envie de revenir dans ce corps… Il avait peur d’affronter Kay, mais si jamais il comprenait qu’elle ne le craignait pas et n’avait pas l’intention de le tuer… Non mais qu’est ce qu’elle racontait ?! Disons pour l’instant. S’il se rendait compte que pour le moment, elle n’avait pas la moindre envie de l’obliger à se battre…
Enlevant sa main de la vitre de la douche en laissant une emprunte presque irréellement délicate de sa main, Kay passa le petit rebord qui limitait l’espace de la douche du reste de la salle de bains, ignorant le fait qu’aussitôt à l’intérieur, elle sentit l’eau – qui n’était d’ailleurs pas très chaude, voir pas du tout, – de la douche la tremper de la tête aux pieds. Sans même y faire attention, elle attrapa la tête du vampire et l’embrassa longuement, alors que les gouttes d’eau s’infiltraient entre eux et coulaient le long de leurs visages et de leurs lèvres collées. Elle sentit de la résistance venant du vampire, il avait serré les mains que Kay avait posées sur son visage et ce, sans grande délicatesse, ce qui aurait dû être suffisant pour qu’elle comprenne qu’il voulait qu’il la lâche…
Mais ça faisait partie de son plan, et Kay cessa d’entremêler leurs bouches sous l’eau qu’après quelques longs instants qui lui parurent interminables, mais tant pis…C’était elle-même qui avait décidé de faire ça, parce qu’elle ne voyait pas l’utilité qu’aurait pu avoir ce vampire sans l’esprit de Kane. Ces deux là se complétaient et ne pouvaient pas être séparés. C’était en partie de sa faute… Voir même c’était sa faute, tout court. Et puis ce n’était pas comme si elle allait vomir de l’avoir embrassé. S’il ne lui aurait pas bousillé les mains avec ses poignes de fer, ça aurait même pu être… agréable.
S’écartant de lui, elle releva ses yeux vers les siens.

« Il va revenir »

[Kane Kane Haydé Haydé]

Lorsqu’elle mit une fin à son baiser irrationnel ses yeux avaient de la tiédeur qui faisaient fondre ses iris de glace. Un frisson et une envie de hurler et de la briser me secoua. Sur le point de lui arracher au moins un bras, ses paroles me calmèrent.
Mes yeux se brouillèrent et ça sentait le mensonge, ça sentait la perfidie. Si Kane allait revenir c’est qu’elle ne voulait plus de lui, elle voulait me le redonner, s’en débarrasser comme un déchet. Personne ne peut traiter Kane ainsi, personne n’a le droit, même pas elle. Jamais personne ne le sous-estimera sans recevoir ma colère.
Mais je le voulais. Je le voulais en moi pour toujours et si Kay était la seule manière d’y accéder je ferais tout.
Mon ventre frissonna et d’une violence convulsive je la collai contre le mur, lui plaçant un genoux entre ses cuisses. Les brûlures que cela me provoquaient n’étaient rien comparées à mon envie de Kane. Je le voulais plus que tout et il me semblait le toucher à travers elle. Tout les parfums d’exaltation qui auraient dû s’échapper de nos chaires étaient atténuées par l’eau froide qui avait beau couler, mais semblait ne jamais apaiser les brûlures de mon genou pourtant encore habillé. Ses ardeurs transperçaient tous les tissus, même les chaires. Et vêtements de soie mouillée lui donnait une allure nue que je ne voyais pas mais je sentais si bien à force de frotter les nodules de ses poitrines.
Si Kane était dans ce corps je ne le sentais pas, tout ce que je touchais c’était le corps d’une fille aux odeurs froides et caramélisées.
- Il faut que je le trouve en vous. Il faut que je le récupère, il est en vous, je sais…

Je remontais mon genou et c’est à peine si elle touchait le sol. Toutes ses exaltations reposaient sur moi, et je n’arrivais pas à comprendre si elle se débattait ou si ses ongles dans mon épaule et ses cris n’étaient rien d’autre que de la vulgaire provocation.
Je ne saisissais pas le sens de ses mots qui semblaient venir à moi après mille échos. Ou alors n’avait-elle rien dit ? Je n’en sais rien, absolument rien. Ses ongles un peu plus profondément dans mon épaule, je frémis et je les sentit se brises quelque peu. L’idée que ses doigts se brisent dans mes chaires m’envoûta plus que celle des miens en elle. Tout ce que je voulais c’était Kane, il ne devait-y avoir que lui dans ma tète et pourtant ses doigts et ses prétendus cris que je ne saisissais pas plus que sa silhouette m’obsédaient plus.
Je m’étais d’avantage rapproché de Kane, je le saisis surtout lorsque ma canine accrocha sa boucle d’oreille qui se détacha dans un bruit sec de dépénétration.
- Il faut que je le récupère…

Toujours dans ma folle cécité, ma canine écarta un peu plus l’orifice où jadis était sa boucle d’oreille. Je ne sentais toujours pas Kane et cela ne devait pas me procurer du plaisir et pourtant ce petit goût de fer frais m’enivra pour la première fois.
Une de mes mains claqua sur une de ses hanche et ce fut plus doux qu’une caresse, pire qu’une insulte et bien plus exaltant qu’une prière.
Elle était petite, bien plus petite que moi et il suffit que je remonte un peu plus mon genou pour que son coup se retrouve au niveau de mon front et ses tumeurs féminines et malignes au niveau de mes salives.

Ses ongles abandonnèrent mon épaule sanglant dans un mouvement nonchalant et je ne savais pas quel coup elle allait porter.
Mais je m’en fichais bien, je n’avais toujours pas frôlé Kane en elle. Il semblait inexistant et absent me rendant ainsi seul face à Kay, ou plutôt face à son corps que je ne savais plus comment mener.

Kane gloussa. A l’intérieur de ce vampire manquant cruellement de logique, l’esprit s’était moqué lentement jusqu’à ce que cela devienne trop grave. C’était incroyable la vitesse avec la quelle leurs mains parcouraient le buste de Kay. Haydé ne voyait pas, sa vue toujours brouillée l’empêchait de contempler le spectacle qui s’offrait au regard de Kane.
Quand la fille planta ses ongles dans l’épaule du vampire ce fut Kane qui frémit et voulut hurler. Mais rien, même pas un son, même pas une vibration. Haydé, dans un total contrôle de son être n’avait pas laissé la moindre chance à son cohabitant de se rebeller. Effrayé par cette impuissance inhabituelle, Kane continua à regarder la fille qui semblait totalement abandonné entre les doigts de Haydé. Un instant de jalousie fit rigoler l’esprit, le temps que les choses tournant au sérieux, le temps que Haydé trouve le moyen d’aller chercher Kane en Kay. Pourtant l’esprit n’avait pas quitté ce corps qu’il menait depuis un peu plus de cinq siècles, et pourtant l’autre ne sentait ni sa présence, ni son influence.
Commençant sérieusement à s’inquiéter de la véritable nature de Haydé, Kane se rendit compte que toutes ces années de torture charnelle ne lui avait pas servi qu’à s’amuser. Mais l’heure n’était pas à la réflexion des talents et des vues du vampire, car pour une fois, c’était le dominant qui devait supplier l’oppressé de ne pas tuer.
Qui sait si l’envie l’en prenait ? Kane avait déjà vu un petit avant goût avec un prêtre et l’idée que Haydé puisse tuer celle que lui, en tant qu’esprit cruel et sans pitié n’avait pas pu au moins frapper comme il faut, lui déplaisait fortement.
Et il sentait que la seule chose à laquelle son dominé aspirait c’était lui, mais comment lui faire savoir qu’il était bien là, dans sa tète, était la grande question.
Lorsque Kay glissa sans raison apparente ses doigts dans la nuque d’Haydé, Kane sursauta et se dit qu’elle était bien plus folle que lui.
Le vampire malmena le corps fragile pour glisser ses mains à lui sans son dos à elle. Et il serrait à casser les os, écrasant la soie mouillée sur ses muscles morts. Ce n’était pas quelque chose d’extraordinaire pour Kane, et pourtant il était figé, sa vue immobile dirigée par Haydé sur la nuque de Kay.
Ce n’était pas grande chose pour l’autre non plus, juste son premier contact humain sans ressentir un profond dégoût et une envie de tuer. Non, il n’avait pas envie de tuer, ni même de saigner. Il était juste entrain de serrer Kay comme une poupée divine, sans se rendre compte qu’il lui avait coupé toute possibilité de respiration.
Mais ce n’était rien, l’eau froide rafraîchissait ses joues violettes, et tombait dans sa bouche ouverte en quête d’air.
Sa peau douce enivra Haydé au point d’oublier son but originel ; trouver Kane. A cet instant ce n’était rien qu’un jeune homme, pas plus âgé que les soldats des guerres humaines, pas plus instruit qu’un séminariste réduit aux lectures bibliques, ni même plus entreprenant qu’un oiselet malade n’arrivant pas à sortire de sa coquille. Il mourra dedans, il crèvera et s’enflammera dans sa coquille éternelle. Par là où tous les monstres sont nés, là où tous les monstres finiront. Dans les coquilles de leurs mères et de leurs amantes, ils y crèveront, asphyxiés et sans air, les yeux globuleux et les plumes mouillés par les parois du cocon où il crèvera comme un chien, ils crèveront comme les monstres.
Lorsque enfin il commença à mourir, Haydé ressentit comme des flèches violentes dans sa colonne vertébrale. Pas grande chose comparé aux douleurs qu’il avait ressentit jusqu’ici, mais tout de même, c’était étrange la façon dont il les percevait. De sa nuque tenue fixé par Kay, cette sensation descendait, faisant un tour sur chaque vertèbre pour enfin envoyer des coups de gonflement dans son ventre qui gigotait comme un serpent et pourtant son estomac n’était qu’une pierre, tout comme les reste de son corps raidi par les nouveautés.
Il y crèvera. Peut être ne cédera-t-il pas tout de suite. Mais c’est certain, il en crèvera comme tous les monstres atteints de cette folie ancienne.
Il se rendait à peine compte à quel point il avait creusé en elle. Il ne sentait pas Kane et pourtant il n’y songea pas à cette incohérence. Car il savait qu’il en mourra de ces sensations trop puissantes pour un monstre qui ne connaît que douleur et violence.
Creusant comme un verre dans la terre mouillé après la pluie, Haydé essayait de se frayer un chemin impossible vers l’au de là à travers Kay. Il n’était plus question de choses mineures comme atteindre Kane, mais de choses bien plus importantes, une ambition comme dans les romans d’apprentissage, atteindre la perfection, défier Dieu.
Comme sur cette large peinture de la Chapelle Sixtine, l’être suprême ne touchera pas l’être inférieur qui est l’homme. Mais Haydé, n’était-il pas devenu un être supérieur à travers Kay ?
Alors poussant toujours plus haut et plus loin, Haydé était assimilé à ces animaux qui veulent atteindre la perfection et l’accord parfait en s’assimilant avec un autre.
Comme détaché de l’espace temps, Haydé gémissait à peine alors que les vrombissements de Kay ne semblait l’atteindre qu’à travers un rêve.

[Kane Kane Haydé Haydé]

Aucune glace brisée, pas même un de ses doigts morcelés dans ses chaires, ni même s’il avait atteint ses profondeurs les plus sombres, jamais Haydé n’aurait eut plus grand frisson que t’entendre le nom de Kane murmuré de tel façon. Ses yeux étaient magnifiques mais elle ne lui plaisait pas. Sa figure d’adulte précoce aurait pu le maintenir à distance, et ses mains fines comme des flocons menaçant de fondre à tout moment durant un hiver précoce ne le séduisaient pas plus. Tout en elle n’était que désir, rien de plus. Mais avaient-ils besoin de plus ? Loin des bruits métalliques et artificiels, loin des parfums temporaires et des mensonges, Kay savourait le silence douloureux de l’autre, et Haydé apercevait enfin avec une certaine fierté ses gémissements. Leurs parfums n’avaient rien de faux, ce n’était que feux et glace, brûlures et fraîcheur s’enchaînaient au fur et à mesure que la température de leurs corps luttait contre celle de l’eau.
Le vampire restait cependant froid et livide, il n’était réchauffé que par ses jambes à elle, et cela lui était déjà suffisant.

Kane fit enfin un pas en arrière, laissant le corps de Kay s’écrouler à terre, sa main ayant fait une marque de mélange de sangs sur sa poitrine. Mais l’eau s’empressa d’effacer cette immondice. Alors que Haydé tournoyait dans sa tète, croyait de toute sa folie d’avoir récupéré Kane en explorant les chaires de Kay, cette dernière saisissait peu à peu l’ampleur de la chose pour la quelle elle cria, il y a quelques secondes.
Kane la contempla, elle, ses yeux et son petit corps que la soie et le sang tachaient de contours impropres. Sous ses ongles encore reposait la chaire morte du vampire, dans sa bouche toujours cette sensation d’étouffement. Kane voyait leurs raisons à tous les deux être ravagé comme une plage tranquille par une petite tempête.
Encore à cet instant il se souvenait de ses yeux encore plus bleus que maintenant qui l’avaient regardé il y a quelques années. Encore maintenant et pour quelques éternités encore il se souviendra de ses cris, que Haydé avait déjà oublié.
Lui, le vrais vampire avait encore moins d’humanité que Kane. Haydé félicitait son dominant d’être revenu, le caressait de mille mots doux et à l’intérieur de leurs pensés communes il riait de joie.
Kane se crispa pour que ce rire ne sorte pas de sa bouche. Il avait trouvé quelque chose de plus attrayant que les emportements de son partenaire. Kay souffrait un peu moins que lui, saignait beaucoup plus lentement et son sang était plus beau.
Loin d’être obsédé par la couleur rose qui se répandait dans la douche, Kane la contemplait avec une certaine fascination qu’il n’avait jamais eut lorsqu’il scrutait le sang de Haydé. L’autre l’agaçait et après ce changement à l’intérieur de ce corps séculaire, lorsque Haydé était devenu le corps et Kane la raison, tout était redevenu normal.
Tout était correct pour Haydé, mais pour l’autre c’était différent. Il éprouva l’envie de se détacher de ce corps et de retrouver celui d’il y a 600 ans. Celui malmené par les soldats, torturé par les maladies. Il lui semblait que Kay le trouverait plus joli, ce corps qui devait pourrire quelque part en Europe.
Jusqu’ici la peur de Kane était de se retrouver seul, sans Haydé, sans ce corps et cette domination à la quelle il s’était tant habitué. Mais désormais il y avait Kay. Celle qu’il n’avait pas envie de tuer. Loin d’éprouver de l’amour, car ce n’était certainement pas, l’esprit ressentait une certaine fascination pour ce petit corps saignant dans un coin froid, à ses pieds. Elle avait réussit, sans le vouloir, sans le penser, sans le savoir de détacher Kane à sa dépendance à Haydé. Il avait désormais d’autres ambitions et tout un monde d’image et de rêves se formaient dans sa tète. Il se voyait dans son ancien cadavre, ses yeux gris et ses cheveux noirs plairait plus à Kay. Ses mains plus fines et ses traits plus fins lui permettraient de tuer avec plus d’intelligence et de ruse.
Car il n’avait pas changé. Il y avait toujours cette envie de vengeance et cette colère contre le monde. Mais il se trouve une personne, Kay qui était à part. Détaché de ce monde que Kane détestait tant.

Il ferma le cours d’eau et ce fut un silence léger et cruel qui tomba comme l’évidence sur eux. Kane sentait encore les vestiges sacrés du corps de Kay sur lui, ou plutôt sur le corps de Haydé et cela le rendit malade. Il n’avait jamais songé à avoir un cadavre ou quelque chose bien à lui, car même s’il dominait Haydé, ce corps sera toujours le sien, celui du fils d’un prince cruel, celui d’un fou qui ne lui avait fait que passer le temps pendant cinq siècles. Il y a ceux qui deviennent fous et ceux qui n’évoluent pas avec le temps. Kane n’avait jamais évolué depuis sa première mort, toujours gardant le même sentiment dans son cœur, la colère. Ou plutôt dans le cœur d’Haydé…
Il eut l’impression de passer autre chose avec Kay, bien qu’ayant toujours gardé sa colère, elle fut allégé par ses courbes de soie. Il songea à Hiroshi et ses prières, au Japon et ses odeurs étranges.

- Tu es une bien étrange personne. Si on s’était connu il y a quelques siècles qui sait quelle belle histoire il en aurait résulté. Kay tu es…

Kane esquiva un sourire morose et crispé. Il s’accroupit pour finalement tomber totalement à genoux. Il avait envie de lui lancer une remarque désobligeante sur sa position, mais se tut, préférant ressentire sur sa peau le regard glacé et sévère.

[Kane Kane Haydé Haydé]

Kane laissa échapper un rire ahuri. Il résonnait peut-être méchant ou mesquin, mais ce rire était tout simplement étonné. Elle lui ordonnait de partire alors que c’est elle-même qui l’avant emmené ici et qui avait enivré la tète fragile de Haydé. A ce moment là Kane se demanda si cela avait été lui, que ce serait-il passé ? Une petite colère monta dans son être contre Kay qui était plus fragile qu’il espérait, qui n’était finalement pas aussi différente des autres. Toujours à se faire passer pour fort alors que n’est rien d’autre qu’une humaine. Elle n’était pas si différente des autres, ni de Kane.
Il était resté accroupi jusqu’au moment où il sentit qu’elle sortit de la sale de bains. Les petites goûtes qui se fracassaient contre le sol faisaient un drôle de bruit, indiquant qu’elle s’était arrêté.
Kane se leva avec un soupire foutaise et abasourdie. Il était sensé faire quoi ? Lui courir après, s’excuser de s’être laissé faire et partire ? Remettant correctement son jean, non sans colère, il sortit de la salle de bains, tout comme elle, l’eau traçant sa route. Sa main saisit quelque chose qui devait être une serviette et lorsqu’il était arrivé dans le dos de Kay, ce dos qu’il avait envie d’exploser, il lui posa négligemment le tissu sur les épaules.

- Ne sois pas si traumatisé, tu peux toujours payer quelqu’un pour me tuer si toi-même tu t’es senti défaillire.

Sa voix était mauvaise et dure et il savait bien qu’elle se comportait comme une adolescente parce qu’elle avait grandi bien trop vite et parce qu’elle sentait que ses mains ne pourraient pas l’étrangler. Il n’y avait pas de doute, elle était en colère et pour la première fois Kane ne voulut pas prendre la faute. D’habitude il aimait à penser que le malheur et les frissons des autres étaient de sa faute, mais là c’était vraiment trop demandé. L’esprit ne voulait pas non plus être dans la position de victime, et tout ce doute le rendit lent et hésitant lorsqu’il descendait les escaliers sous les yeux de la fille.
Il lui jeta un regard vague et irrité. Elle s’attendait à quoi ? Qu’il la supplie de rester, à genoux à sa merci jusqu’au moment où elle veuille bien le pardonner pour quelque chose qu’il n’avait pas fait.
Kane se sentait petit et humilié. Il avait envie de remonter les escaliers avec des pas violents et de lui donner mille raisons pour qu’elle se conduise comme la dernière des traumatisées.
Kay était toujours immobile à serrer la barre d’appuie avec un regard méchant qui ne se justifiait pas aux yeux de Kane. La serviette qu’il lui avait apporté tomba à terre et ce fut le mouvement de trop.
Mais à quoi s’attendait-il ce demi-vampire ? A ce qu’elle le remercie à genoux pour lui avoir apporté de quoi se couvrir alors qu’en ce moment Kay semblait s’en ficher royalement.
Les yeux de Kane s’ouvrirent comme un large cratère de volcan éveillé après un long sommeil. Il émit un grognement qui n’avait rien de bestiale et plus humain qu’on se serait attendu. Tout en lui était humain en ce moment et cela le rendait fou. Il n’y avait que le corps d’Haydé qui le rendait monstre.
Il remonta les marches avec colère et violence et poussa l’épaule de Kay avec plus de douceur qu’il n’aurait voulut. Et il avait l’impression de se retenir face à elle, et ça le rendait fou. Sa voix éclata dans les airs et il commença son sermon de reproche en laissant ses yeux briller de frustration.
- Mais tu t’attendais quoi bordel de merde en amenant mon cadavre ici ? Que je te raconte toute la vie de Hiroshi et que je me laisse tuer ? Et tu t’attendait à quoi quand tu as embrassé Haydé ? Qu’il te dise « olala c’est pas convenable on vient tout juste de se rencontrer, apprenons à faire connaissance d’abord » ? Et pourquoi tu te comporte comme si t’était cinglé ? Tu m’as baisé, j’t’ai baisé et puis, et alors ? Tu tombera pas enceinte c’est sûr, tu vas pas aller en Enfer et si tu peux pas me tuer pour des raisons encore plus connes que celle pour les quelles tu m’as amené dans cette baraque, et bah c’est à toi-même de t’en vouloir ! Et de nous deux c’est bien moi qui a l’air plus con. J’suis un vampire, du moins par définition, devant un repas potentiel et je suis entrain de lui raconter le font de ma pensé !

Kane rigola nerveusement avant de rugire de rage en se tapant le front avec sa main. Il avait faim et le plus drôle c’était qu’il avait envie de manger un salade de fruit, du moins il avait l’image de lui qui se transformait en végétarien. C’était peut-être justifié car c’était Haydé et non Kane qui était le véritable vampire.

Elle savait très bien que c’était elle-même qui l’avait amenée chez elle, et le pire dans tout ça c’était qu’elle ne savait pas si elle le regrettait ou non. Et rien que le fait de se poser la question, de douter de ce genre de choses, la mettait dans une colère noire, un mélange de frustration et de rage à cause desquelles elle serrait toujours la rampe de l’escalier un peu plus fort, le regard fixant un point dans le vide. Elle n’avait aucunement peur de croiser son regard, et si elle regardait ailleurs, c’était parce qu’elle savait qu’elle ne se pardonnerait jamais, le fait qu’il y lise à quel point elle était perdue et partagée à présent. Quoi que, elle n’avait pas besoin de le cacher, il le savait déjà très bien. Ses gestes et ses paroles étaient bien suffisants pour le lui faire comprendre. Elle aurait voulu frapper, insulter, le traiter comme la créature qu’il était, mais elle ne faisait rien d’autre que d’enrager contre elle-même. Ses mains crispées violemment sur la rambarde, elle ignorait complètement ses poignets qui devenaient douloureux à cause de toute la force qu’elle mettait à serrer cette barre, comme si c’était à cause d’elle que sa vie était ainsi…

Ses jointures avaient blanchi, et sa mâchoire se crispa, alors que son regard bleu fixait toujours le mur en face, sans ciller. Elle ne le regarda que lorsqu’il la rejoignit, en entendant le bruit de ses pas coléreux. Réagissant à peine alors qu’il la poussa, elle planta cependant ses yeux tout aussi luisants de fureur dans les siens alors qu’il se lança dans son discours plein de reproches où Kay était bien évidemment la coupable. Le fait qu’il avait entièrement raison réussit à la faire enrager un peu plus, mais elle resta silencieuse. Un peu trop silencieuse pour que ça paraisse normal... Avant même qu’elle n’ait le temps de le comprendre elle-même, son poing partit presque tout seul en pleine dans la mâchoire du vampire dont la tête partit en arrière, mais il n’avait pas bougé d’un pouce, et n’avait même pas titubé.

« Alors pourquoi tu ne me tues pas ?! » s’emporta-t-elle sans même réaliser ce qu’elle disait, à présent aveuglée par le mélange explosif de sentiments et émotions qui l’empêchaient de se contrôler. « Pourquoi tu me traites pas comme un repas potentiel ?! Pourquoi est ce que tu… tu ne m’as pas tué, il y a des années, lorsque j’étais pourtant si facile à éliminer ? C’est quoi ton problème à toi ?! »

Elle le poussa avec un peu plus de force qu’elle n’aurait voulu, et à peine que le dos du vampire eut le temps de heurter le mur qu’elle le rejoignit déjà pour lui dévorer littéralement la bouche dans un baiser presque inhumain et insistant. Et voilà, ça recommençait ! Pour des raisons différentes, mais tout aussi barges, elle était encore en train de l’embrasser, comme tout à l’heure… Non, ce n’était pas comme tout à l’heure, c’était bien pire et elle avait vraiment l’impression d’être prisonnière d’une folie complètement bestiale qui venait de reprendre le dessus sur le peu de bon sens qu’il lui restait. Se détachant de lui plus par obligation pour ne pas étouffer sans air, que par envie, elle le fixa un court instant. Maintenant, c’était sûr et certain, il avait toutes les raisons du monde pour la prendre pour une cinglée… Voyant qu’il ouvrait la bouche pour dire quelque chose, elle sentit un profond sentiment de panique se répandre en elle et par réflexe, jugea bon de l’empêcher de dire quoi que ce soit. Avec un ‘La ferme’ à peine perceptible mais assez dur, elle décida même de s’assurer un peu plus pour qu’il n’ait pas dans l’idée de parler, et capturant ses lèvres sauvagement, l’embrassa à nouveau.

Elle était vraiment en train de perdre la tête. A moins que c’était déjà fait, et elle était à présent dans un état vraiment irrécupérable. Sentant le monde s’embraser autour, et ne réalisant même pas que le feu la brûlait de l’intérieur, elle reçut soudain comme une décharge qui la força à s’écarter. La raison semblait revenir, luttant contre les sensations provoquées par le baiser échangé. Elle en avait même mal aux lèvres, mais à vrai dire, elle s’en fichait royalement de ça. Elle se détourna vivement, plissant aussi fort qu’elle le pouvait les paupières, espérant se réveiller et se rendre compte que non, elle n’avait pas perdu les pédales, n’avait pas embrassé un vampire, et pas qu’embrasser d’ailleurs… Mais ça ne ressemblait pas à un cauchemar, ou un rêve, peu importe, c’était un peu trop réel et interminable. Bon sang, mais qu’est ce qu’il lui arrivait ?! Portant une main sur sa bouche en laissant ses fins doigts délicats effleurer ses lèvres brûlantes, elle finit par ouvrir les yeux. Elle était censée lui poser des questions, lui demander tout un tas de choses, que ce soit sur Hiroshi, ou le fait que le maître moine le craignait tant… C’était pour ça qu’elle l’avait emmenée ici, à la base, non ? Pour qu’il lui apporte les informations dont elle avait besoin. Et là, elle se trouvait encore sans le moindre don de parole...

[Kane Kane Haydé Haydé]

Kane s’appuya conte le mur soupirant avec lacement. Tout cela n’était pas rationnel et ça tournait au ridicule.
- Ecoute Kay. Même si t’es cinglé j’veux bien te dire que j’ai rien de dangereux. J’sais pas pourquoi Hiroshi t’a envoyé en mission commando pour me tuer. J’ai rien de spécial à part être schizophrène et un peu plus vieux que la majorité des autres vampires. De plus ton vieux est certainement pas con, t’as du mal capter ce qu’il t’as dit parce que c’est pas son genre à envoyer un de ses proches tout droit vers celui qui a promit de le tuer. En l’occurrence, je suis le méchant et toi la gentille. Mais là je crois que nos rôles se sont un peu embrouillés… Kay ?

Comme elle ne réagissait pas, Kane s’avança hésitant. Après tout aussi cinglé qu’elle soit, elle restait une chasseuse et elle pouvait le crever par une ruse. Il l’attrapa par l’épaule et la secoua un peu, puis la tournant vers lui il la secoua un peu plus fort jusqu’à ce qu’elle y mette un terme par un geste violent.
Kane recula et commença à descendre les escaliers. Il se sentait étrange et l’envie perpétuelle de tuer avait disparu en lui. Mais pas en Haydé qui bouillonnait à ce moment là. L’idée que Kane puisse avoir de l’affection ou un quelque autre sentiment humain à l’égard d’une autre créature le rendait fou. Mais Kane ne semblait pas s’apercevoir du malheur et de la peur étrange de son compagnon. Plus focalisé sur le lien étrange qui l’unissait à Kay, il semblait avoir oublié l’épisode où il avait prit possession du corps d’Haydé.
La maison était batti d’une façon bizarre, tout en descendant les escaliers on tombait sur un salon énorme qui avait plus l’air d’une salle à bal que d’une pièce destinée à contenir une télévision et un canapé. Tout était relativement poussiéreux et à l’allure vieille. Les fenêtres étaient peinte de noir, saleté qui s’était accumulé avec les années, les postes donnaient une allure collante et pourtant l’ambiance était loin d’être dégoûtante. Même le sol qui grinçait comme un cercueil donnait un air de musique mystique. Et curieusement pour un vampire, cela l’apaisait. C’était bien plus reposant que les délires d’une fille qui ne sait plus ce qu’elle veut. Kane regarda autour de lui, les lampes étranges, les ampoules griées et les couleurs monotones indiquaient bien qu’elle n’avait pas vécu ici pendant longtemps.
Kane ne savait plus quoi faire d’une part l’envie de se casser lui démangeait les pieds et cette envie était fortifié par l’influence de Haydé, mais d’un autre côté le soleil qui rayonnait et son pantalon mouillé n’étaient pas là pour aider. Bien que ses pensés n’avaient rien de vampirique, Kane avait une sainte horreur du soleil qui lui donnait des sensations désagréables sans pourtant pourvoir le tuer.
Alors qu’il entendait Kay bouger, il n’osa se tourner pour lui faire quelques autres reproches. Après tout ce n’était pas sa faute si elle avait des impulsions bizarres. Ses yeux avaient parcourut toute la pièce jusqu’à tomber sur une petite boite étrange avec une impression de déjà vu et de lacement. Kane s’en doutait bien, la boite comme la maison appartenait à Hiroshi.

[Flash Back]

Hiroshi jouait avec la petite boite. Une musique douce mais bien Occidentale jouait dans le fond de l’appartement dans le quel l’homme avait l’habitude de rencontrer le vampire. Il ne l’avait jamais amené dans sa maison. A quoi bon ? Cela n’aurait attiré que des ennuis et aurait été totalement inutile.
Dans un coin éclairé d’une lumière fade et triste, Kane était du même avis. Il semblerait qu’il n’y avait même pas pensé. Aucun intérêt que de voir le vrai trou où ce moine se cachait. Il s’était un peu plié à ses ordres mais c’était justifié. A l’époque il croyait que séparer ses pensés de celles d’Haydé était encore possible.
- Hey !

Kane interpella le japonais avec une certaine colère dans la voix. En réalité il était un peu ennuyé. Ne sachant quoi demander, le vampire désigna la petite boîte d’un mouvement de tète qui aurait semblé vulgaire à une jeune fille bien élevé.
- Ca c’est un garde-secret. Je l’ai fait, mais l’idée n’est pas de moi. Un vieux proverbe dit, « Si tu as quelque chose à cacher, met le dans le plus évident des endroits »

Hiroshi jeta un regard rieur à Kane qui roula des yeux. Les proverbes, il en avait apprit depuis le temps où il avait commencé à travailler pour le japonais.
Tout en faisant les gestes suivant ses paroles, le moine lui expliqua.

- Regarde. Le premier couvercle s’ouvre sans clé, tu peux y loger quelque chose de valeur pour attirer l’envie du voleur et lui faire oublier de chercher à quoi sert la serrure devant. La clé est caché dans un coin du couvercle que même un enfant pourrait ouvrire.

Hiroshi prit la clé et ouvrit la boite avec un petit rire qui fit grimacer Kane.

- Et maintenant Kane. Dis moi ce que tu as apprit cette nuit sur eux.
- Rien de très intéressant. Le vieux est arrivé au milieu de la conversation et comme il m’aime pas trop je me suis cassé.
- Et vous parliez de quoi ?… Au milieu de la conversation ?

Kane ricana. Il avait une de ces voix quand il questionnait. Comme si, si quelque chose ne le satisfaisait pas il allait exploser de colère.

- De son penchant pour les hommes et plus particulièrement pour Haydé.

[Fin du Flash Back]


C’était bien des mauvais souvenirs, et personne n’aurait jamais crut qu’un vampire aurait vendu son corps pourrit pour finalement voir le moine qui lui avait promit la paix déguerpire au Japon comme un lapin trop effrayé. Il s’était bien fait baisé sur ce coup là.
Kane soupira, sans raison apparente.
Lorsqu’il se tourna vers Kay, la sonnerie retentit et il la vit étonnée. Certainement elle était surprise qu’elle marche encore après toutes ces années.
La fille ouvrit la porte, alors que Kane retourna dans ses songes.

[suite en lien avec Appartement Cassidy]

Non mais pour qui il se prenait celui-là, à lui parler ainsi?! Il n'arrêtait pas de lui faire des reproches, et c'était très loin de plaire à Kay, qui commençait à perdre son sang froid. Et il en fallait vraiment beaucoup, pour qu'elle perde son sang froid. Après avoir passé toute son enfance parmi les bouddhistes qui méditaient matin et soir, elle était devenue l'une des élèves les plus brillantes dans cette matière si importante de leur enseignement, et pouvait faire preuve d'une très grande patience et d'un calme impressionnant, mais il avait réussi à tout faire foirer en quelques minutes à peine. Toutes les heures qu'elle passait à méditer, se concentrant sur les bruits de la nature, et trouvant le calme et la paix au fond de son âme, ce n'étaient que des conneries à la con à ses yeux, maintenant. Elle ne voulait même pas faire un effort, pour se calmer.
Elle détestait avoir tort, et même si tout laissait croire qu'elle était la fautive, elle n'allait jamais l'admettre. Elle était en train de fulminer de colère pour une raison qui restait un véritable mystère, mais réalisait en même temps que c'était vraiment stupide, ce qu'il venait de se passer. Et elle ne savait pas pourquoi elle s'en voulait le plus, pour ce qu'il s'était passé dans la salle de bains, ou cette dispute ridicule et débile qui avait éclaté dans les escaliers. Elle suivit le vampire du regard alors qu'il commença à descendre les escaliers, essayant de trouver une nouvelle réplique sanglante pour le casser, parce que c'était la dernière arme qu'il lui restait.
A bout de forces et ne parvenant pas à réfléchir correctement, la jeune fille poussa un soupir las et se frotta les yeux, puis finit par le suivre et descendit au premier étage également. Elle le regarda alors qu'il était de dos, et semblait perdu dans ses pensées, et curieusement, n'osa plus dire quoi que ce soit, restant silencieuse alors que la colère commençait à se dissiper peu à peu. Elle fixa le vampire alors qu'il se tourna vers elle, essayant en vain de trouver quelque chose à dire - elle était même prête à dire quelque chose de pas trop méchant -, mais ne parvint pas à dire quoi que ce soit. C'est alors que la sonnette retentit, la faisant sursauter légèrement. Devait-elle remercier le crétin (ou la crétine?) qui venait de sonner à la porte, ou le maudire? Le regard toujours planté dans celui de l'homme aux yeux sombres, et l'air un peu étonné, elle finit par tourner la tête vers la porte d'entrée et la regarda quelques secondes. Qui pouvait être aussi borné pour continuer à sonner, alors que personne ne venait ouvrir?!
Kay grogna légèrement et le contourna rapidement, le bousculant avec son épaule, au passage, et s'approcha de la porte qu'elle ouvrit un peu trop brusquement. La bizarrerie de la nature qu'elle vit sur le seuil, la laissa quelques secondes bouche bée, et elle en oublia même ce qu'elle avait l'intention de dire à ce quelqu'un qui sonnait chez elle à une heure pareille. Et elle avait préparé une belle phrase, très claire et incroyablement explicite, pleine de mots qui auraient pu choquer tous les moines bouddhistes du monde...
Regardant l'homme qui se tenait devant elle, elle prit le temps de le détailler dans les moindres détails, sans se priver d'attarder son regard sur ses yeux drôlement expressifs, puis un peu plus bas. Quelques secondes plus tard, elle releva enfin ses grands yeux clairs vers les siens et le fixa, l'air ennuyé et las, alors qu'il bafouillait quelque chose. En l'entendant mentionner le nom de Hiroshi, la jeune fille fronça aussitôt les sourcils, mais ne réagit pas plus que ça. Hiroshi connaissait beaucoup de monde, après tout, il avait des connaissances plutôt... diversifiées, et un ancien punk à l'allure d'un rockeur devenu SDF, pouvait très bien en faire partie.

-"T'es qui, toi?" demanda-t-elle sans prendre la peine de chercher une question plus délicate et joliment formulée pour connaître l'identité de cet inconnu plus qu'étrange. Elle ne se sentait vraiment pas d'humeur à jouer à la fille aimable et gentille, après tout ce qu'il s'était passé ce soir.

En vérité, elle s'attendait plus à voir un pépé devant sa porte, parce que dans ce quartier vraiment mort de chez les morts, elle pensait qu'y avait que les vieux qu'on pouvait croiser dans les rues. Hiroshi avait eu un sacré chic, quand il avait choisi ce quartier pour y vivre temporairement... Ca lui correspondait bien, il cherchait le calme et essayait de s'éloigner le plus possible des quartiers animés. Mais pour Kay, c'était une véritable torture, de vivre dans un coin aussi paumé. Elle voulait quitter le Japon et le temple, parce qu'elle en avait plus que marre, d'être entourée par des snobs et des coincés, et voilà qu'elle pensait être arrivée dans une ville moderne, elle se retrouvait dans une vieille maison perdue au milieu de nulle part, où elle avait pour seuls voisins, un certain Frederick de soixante dix sept ans et sa femme Gisèle, et un autre couple de vieux. Tous étaient gentils et fort sympathiques, mais si ça ne tenait qu'à elle, elle aurait préféré vivre au centre-ville...
Parce que quand Kay sortait dans les rues, il lui arrivait bien souvent de penser que toute la civilisation avait crévé pendant qu'elle dormait. Enfin, le plus important, c'était que l'inconnu qu'elle avait devant elle, n'avait rien d'un pépé ennuyeux. Il n'avait pas l'air bien vieux, pas vraiment ennuyeux, en tout cas de première vue, et n'était définitivement pas trop moche, d'après Kay et sa vision du monde. Elle croisa les bras sur sa poitrine - plus par habitude, que par pudeur, car en vérité, elle avait oublié ce qu'elle portait à cet instant -, et s'appuya sur l'encadrement de la porte, continuant de regarder l'homme aux cheveux noirs qui mettait un peu de temps à répondre à sa question.

-"C'est moi qui vit ici, maintenant" finit-elle par dire, le visage ne trahissant aucune émotion particulière, même si elle ne se gênait toujours pas de le mater un peu en essayant de le faire discrètement. Et Dieu seul savait à quel point elle était nulle, quand il s'agissait de discrètion.